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Pourquoi les moustiques vous préfèrent-ils ?

Pourquoi certaines personnes se font-elles piquer par les moustiques bien plus que d’autres ? Simple malchance ? Pas vraiment. Derrière chaque piqûre se cache une stratégie redoutablement efficace : les moustiques traquent leurs proies à l’aide d’un arsenal sensoriel impressionnant, mêlant odeurs corporelles, chaleur, CO₂ et même le microbiome de la peau.

Grâce à des recherches récentes, les scientifiques lèvent peu à peu le voile sur ce mystère… et sur ce qui fait que vous êtes, peut-être, leur plat préféré.
Le CO₂, un puissant signal

Les moustiques sont particulièrement attirés par le dioxyde de carbone (CO₂) que nous expirons ou que notre corps dégage lors de la transpiration. Ils peuvent détecter ces émissions à près de 50 mètres. Ainsi, une personne corpulente ou une femme enceinte — qui produisent davantage de CO₂ — sera plus susceptible d’être piquée qu’un enfant ou une personne plus fine.

Une traque en plusieurs étapes

Pour localiser leur cible, les moustiques se fient à une série de signaux sensoriels. À distance (jusqu’à 60 mètres), ils suivent les panaches de CO₂ exhalés par l’être humain. Lorsqu’ils s’approchent, à environ 15 mètres, ils nous distinguent visuellement comme des silhouettes sombres à contre-jour. Puis, à courte portée, ce sont les odeurs corporelles — notamment celles des pieds, des aisselles et de la peau — qui les guident, ainsi que la chaleur corporelle. Une fois posés, des récepteurs situés sur leurs pattes leur permettent de choisir le meilleur endroit pour piquer.

Ce que les moustiques aiment sentir

Selon Diego Giraldo, neuroscientifique à l’université Johns-Hopkins, la capacité des moustiques à détecter des humains spécifiques est « véritablement remarquable ». Son équipe a démontré que les moustiques pouvaient distinguer plusieurs personnes dans un grand espace, en se basant uniquement sur leurs odeurs.

Lors d’une expérience, les moustiques ont été quatre fois plus attirés par les effluves d’un sujet donné que par d'autres. En analysant les composés chimiques en suspension dans l’air, les chercheurs ont identifié quinze substances présentes chez tous les sujets, mais en quantités variables. Ce sont ces différences de concentration qui influenceraient l’attractivité d’un individu.

Parmi les composés les plus attractifs : les acides carboxyliques, produits à la fois par notre sébum et par les micro-organismes bénéfiques vivant sur notre peau. Ils dégagent une odeur proche du beurre ou du fromage rance. Les moustiques réagissent aussi à l’acétoïne, également émise par notre microbiome cutané. Ce dernier semble donc jouer un rôle central dans notre pouvoir d’attraction.

Certaines caractéristiques, comme la composition de notre odeur corporelle, sont remarquablement stables dans le temps, ce qui expliquerait pourquoi certaines personnes se font piquer systématiquement, année après année.
Et le groupe sanguin ?

Des études suggèrent également que certains groupes sanguins attirent davantage les moustiques que d’autres. Les personnes de groupes O et A seraient plus vulnérables aux piqûres que celles de groupe B. Un facteur que, là encore, il est impossible de contrôler.

Peut-on brouiller les pistes ?

Les produits d’hygiène corporelle — savons, shampoings, déodorants — peuvent théoriquement modifier notre odeur. Mais les effets sont imprévisibles. Une étude a montré que certains savons augmentaient l’attractivité, d’autres la réduisaient, selon la personne.

Par exemple, les savons Dove et Simple Truth ont rendu certaines personnes plus attirantes pour les moustiques, tandis que le savon Native a semblé avoir un effet répulsif. Pourtant, tous ces produits contiennent du limonène, une molécule reconnue comme répulsive. Ce paradoxe s’expliquerait par la réaction chimique entre les composants du savon et ceux de la peau, différente selon chaque individu.

Les chercheurs ont même réussi à créer des mélanges artificiels — attractifs ou répulsifs — à partir de ces combinaisons, testés avec succès sur des volontaires. À terme, grâce à l’intelligence artificielle, il pourrait devenir possible de personnaliser les produits répulsifs en fonction du profil olfactif de chacun.

Comment se protéger efficacement ?

En attendant des solutions sur mesure, les spécialistes recommandent :

   Porter des vêtements longs et de couleur claire, les moustiques étant attirés par les teintes sombres ;

   Utiliser des répulsifs classiques, notamment à base de DEET, surtout dans les zones où sévissent des maladies comme le paludisme, la dengue ou le Zika ;

   Tester différents savons, notamment ceux aux arômes de noix de coco, pour identifier ceux qui réduisent l’attractivité.

Les répulsifs naturels comme l’huile d’eucalyptus citronné peuvent offrir une protection limitée, mais doivent être réappliqués fréquemment.

Une guerre invisible... mais pas perdue

Face à ces insectes plus stratèges qu’on ne l’imagine, nous ne sommes pas totalement démunis. Comprendre les mécanismes complexes qui régissent leur attirance permet non seulement d’expliquer pourquoi certaines personnes se font systématiquement piquer, mais aussi d’envisager des solutions plus efficaces à l’avenir. En attendant des répulsifs sur mesure adaptés à notre profil chimique individuel, quelques gestes simples — comme choisir le bon savon, porter des vêtements clairs ou utiliser un répulsif éprouvé — peuvent déjà faire la différence. Car même si les moustiques nous traquent avec une précision redoutable, la science, elle aussi, affûte ses armes.